Derby Day – Rencontre avec les présidents des deux clubs

Samedi dernier avait lieu la première édition du « Derby Day » au Stade de Richemont : une journée d’oppositions amicales entre les clubs de Black Boys HC et du Servette HC, lors de laquelle s’affrontaient les équipes de toutes les catégories, des juniors aux adultes, autant féminines que masculines. Cela a permis de donner le coup d’envoi des activités en extérieur.

Ce fut également l’occasion de faire plus ample connaissance avec les présidents des deux clubs majeurs du canton et d’en savoir un peu plus sur leur club et leur vision du hockey sur gazon dans la région. Entretien croisé.

 

Bonjour, tout d’abord pouvez-vous rapidement vous présenter aux lecteurs du site de l’AGHGA ?

Peter Kraxner (Black Boys HC) :

Peter Kraxner, président du Black Boys HC

Bonjour, je m’appelle Peter Kraxner. Je suis allemand, je suis installé depuis 17 ans à Genève et je pratique le hockey sur gazon depuis 37 ans. Quand j’ai voulu savoir où se trouvait le stade de hockey sur gazon à Genève, j’ai vraiment eu de la peine à le trouver. J’ai rencontré une personne avec une canne de hockey et je lui ai demandé où elle se rendait et j’ai découvert ainsi le stade de Richemont.

Je suis président de Black Boys depuis 3 ans, et j’ai joué beaucoup d’années en 1ère équipe du club. J’ai également siégé au comité de Swiss Hockey (Fédération Suisse de Hockey sur Gazon), ce qui est important pour représenter Genève à l’échelle nationale. Mais je dois malheureusement démissionner de mon poste à cause de manque du temps. C’est dommage que Genève ne soit plus représenté à ce niveau et j’espère que nous allons retrouver quelqu’un pour me remplacer.

Je suis directeur d’un site de production de produits aromatiques à Genève.

 

Nicolas Gisin (Servette HC) :

Nicolas Gisin, président du Servette HC

Je joue au Hockey depuis 45 ans. Il y a 25 ans, le Servette HC était un club moribond, nettement plus petit que Black Boys, mes enfants avaient 5 ans et ils avaient envie de faire du sport. On s’est occupé du club avec Sandra Bourquin-Wallis-de-Vries et ma femme, Mireille. On s’est rapidement pris au jeu, ma femme surtout (rires). On a fait un peu de pub dans les écoles pour le hockey. Et cela s’est ainsi développé. Mireille est toujours là, tous les mercredis depuis 25 ans, ce qui est admirable.

Au niveau professionnel, je suis professeur de physique à l’Université de Genève. J’ai été pendant 10 ans responsable juniors et je suis président de ce club depuis 15 ans. J’ai également siégé pendant 6 ans au comité suisse de hockey sur gazon. Je crois que nous avons contribué à rendre notre sport bien plus sérieux malgré le fait qu’il soit amateur par l’encadrement professionnel de nos équipes premières et de notre mouvement juniors.

Je devrais normalement passer la main en fin de saison même s’il n’existe pas encore de candidat officiel à ma succession.

 

Pouvez-vous présenter rapidement votre club ?

N. Gisin : Notre club est le plus grand de suisse en terme de membres, cela représente 250 membres dont 200 qui ont une licence. Dans son intégralité, le Servette HC comprend plus de membres mais qui ne sont pas joueurs. Nous avons obtenu le titre de champion suisse la saison dernière après lequel nous courions depuis plusieurs saisons.

P. Kraxner : Black Boys représente 200 membres dont 100 licenciés. Cela est plus petit que le Servette HC même si au niveau suisse nous sommes tout de même un club important.

Premier derby de la saison extérieure pour les plus jeunes participants

 

Où en est la relation entre les deux clubs ?

N. Gisin : Il y a toujours des relations à plusieurs niveaux : entre les joueurs, les comités et les anciens du club. Entre les joueurs, elle a toujours été très bonne. Entre les comités, cela n’a pas toujours été aussi positif qu’actuellement avec Peter. Et pour les anciens, la relation n’a jamais été très bonne (rires). Il y a des frictions objectives dues au fait de partager les installations. Mais il n’y a pas d’autres soucis réels à déplorer.

P. Kraxner : Je rejoins Nicolas dans ses commentaires en ce qui concerne les différents niveaux. Mais globalement, la relation est bonne entre les deux clubs et l’atmosphère est plutôt positive de ce que j’ai pu voir depuis ma prise de fonction. Au niveau du mouvement juniors, elle évolue dans le bon sens. Et cela permet de voir l’avenir avec optimisme.

 

Quelle différence existe-il entre un sport comme le hockey sur gazon et d’autres sports plus médiatisés et peut-être plus connus du public genevois ?

N. Gisin : Je crois que le hockey dégage un bon message dans la relation que les joueurs entretiennent avec les arbitres, si on le compare avec le football par exemple. On est toujours surpris de voir que les joueurs de foot terminent sur le terrain à 11 alors qu’ils ont un comportement antisportif. Dans le hockey, ils finiraient le match à 5 ou à 6. Le hockey est un sport de gentlemen. Les joueurs respectent beaucoup les arbitres. Cela se voit aussi au travers du comportement des parents au bord des terrains qui sont aussi exemplaires.

P. Kraxner : C’est vraiment un sport familial. Et le fait que les femmes et les hommes jouent tout autant donne réellement une dimension populaire et d’équité formidables. Je viens d’Allemagne et là-bas le hockey féminin est très développé. Il y a même des couples dont les deux personnes jouent. Comme ma femme et moi (rires).

 

Quel est le rôle de l’arbitrage ?

N. Gisin : On peut toujours tout améliorer, mais je crois qu’on peut s’inspirer de certaines règles comme les expulsions temporaires qui permettent de calmer une situation.

P. Kraxner : En principe, il y a un carton vert qui avertit verbalement. Un carton jaune qui amène une expulsion temporaire et le carton rouge pour l’expulsion définitive.

N. Gisin : De plus, le jeu continue sans arrêt. On peut engager directement après une faute. Ce qui empêche les joueurs de se rouler par terre.

P. Kraxner : L’arbitrage joue un grand rôle car l’influence est très importante sur le jeu. Nous avons des soucis pour trouver assez de bons arbitres et ceci sur un plan national. C’est pour cette raison que nous avons initié cette formation d’arbitrage mais ca ne suffit de loin pas. Le travail avec Swiss Hockey est primordial, mais nous n’en sommes qu’au début.

 

Comment se porte le hockey à Genève ?

N. Gisin : C’est un sport en plein développement. Il y a 25 ans, seul le Black Boys HC avait un réel mouvement sportif. Aujourd’hui, il y a 5 clubs sur Genève et sa région proche (Black Boys, Servette, UGS, Geneva International Hockey Club et US Terre Sainte).

P. Kraxner : C’est un sport très développé dans les pays du Commonwealth et d’autres (Pays-Bas, Allemagne, Belgique, etc.), ce qui implique qu’il y aurait un grand potentiel auprès des personnes expatriées à Genève. Ceci est particulièrement le cas pour USTS. C’est un sport olympique, qui n’a pas une grande médiatisation ici mais qui est très répandu et couvert dans d’autres régions du globe.

N. Gisin : Le hockey à Genève permet beaucoup de rencontres au niveau régional aussi bien international comme nous avons des joueuses et joueurs qui viennent de continents différents. C’est un des principaux sports planétaires d’équipes en plein air, notamment au niveau féminin.

Le Hockey sur Gazon représente un bel exemple de mixité dans le sport genevois

 

Et comment cela se passe-t-il pour les déplacements des équipes ?

N. Gisin : Cela fait longtemps que nous avons pris la décision de prendre en charge les déplacements en train. En tant que papa et président, je suis toujours rassuré de savoir que les équipes rentrent en train. Pour la logistique, chaque équipe est composée d’un team manager (parent) et un coach (jeune).

P. Kraxner : C’est pareil chez nous pour la plupart des déplacements. Le train est le meilleur moyen pour créer un esprit d’équipe, qui est un élément fondamental dans ce sport. Au lieu d’aller en voiture par 3 ou 4 et sans vivre le voyage ensemble.

 

Que pourrait-on améliorer dans le hockey genevois ?

N. Gisin : Il manque un deuxième terrain. Black Boys et Servette se développent et engagent des personnes compétentes. Mais nous manquons terriblement de place. Cela commence à être vrai dehors mais c’est encore plus criant en salle où nous manquons cruellement de place. La Ville de Genève a même démontré par le biais d’une étude que le Stade de Richemont est le plus sollicité du canton.

P. Kraxner : C’est difficile d’adapter les terrains synthétiques traditionnels pour le foot par exemple, il est donc difficile de trouver d’autres terrains. Le hockey sur terre est devenu hockey sur gazon mais le terrain doit être vraiment adapté pour jouer avec cette petite balle.

N. Gisin : Pour les juniors, le plus important c’est que la balle roule. Et pour les premières équipes, il y a plus d’exigences à respecter. On pourrait aussi envisager un demi-terrain de plus ici à Richemont, pour que les entraînements et les matchs des petites catégories puissent avoir lieu avec un meilleur confort et une plus grande capacité d’accueil. Il y aurait aussi besoin d’un autre terrain sur l’autre rive pour développer le hockey dans cette région là.

Sport en plein développement, le hockey sur gazon attire de plus en plus de jeunes pratiquants

P. Kraxner : On devrait avoir plus de potentiel à Genève. On n’exploite pas toutes les opportunités que ce sport pourrait créer.

N. Gisin : On met à disposition les installations pour la pratique du sport sans aucune contrainte. On ne refuse personne, par contre on a dû avertir que pour la période hivernale cela ne serait pas aussi évident et certains ont préféré faire du ski à la place durant l’hiver. Nous sommes une source de profit énorme pour tout ce que nous mettons à disposition pour les joueurs et pour la société en général et cela évite que les jeunes dérivent ou s’occupent avec des activités bien moins saines et positives.

P. Kraxner : On englobe beaucoup de personnes différentes, ce n’est pas du tout un sport élitiste, au contraire. Toutes les couches de la population sont représentées au hockey.

N. Gisin : Le hockey sélectionne naturellement des gens que la difficulté motive plutôt que rebute par la difficulté technique de la pratique impose au démarrage de l’activité. Et cela se traduit dans la vie privée et professionnelle avec des gens qui vont peut-être plus se battre que d’autres qui auraient abandonné plus vite.

 

Le hockey genevois est-il aussi présent dans les sélections nationales ?

N. Gisin : On a des représentants dans chaque catégorie. On les encourage à participer à ces sélections pour les expériences que cela permet de vivre.

P. Kraxner : On a aussi des joueuses et joueurs dans plusieurs catégories. Pendant une certaine période, nous avions des éléments qui avaient la qualité mais qui ne souhaitaient pas s’investir. La relation entre le hockey suisse et le hockey genevois n’est pas si simple et nous nous battons pour l’améliorer.

 

Existe-t-il un sport-études pour le hockey sur gazon ?

N. Gisin : Pas encore. Avec l’alignement actuel de nos deux clubs et en passant par l’AGHGA, cela pourrait devenir possible dans un avenir proche.

 

Le « Derby Day » : d’où vient cette idée ?

P. Kraxner : C’est une initiative de notre club. On s’est dit qu’il serait bien de commencer la saison de cette manière avec une journée sur le terrain de Richemont. Au lieu de se déplacer ailleurs pour jouer des matchs amicaux. Et toutes les catégories s’affrontent. C’est la première édition aujourd’hui. Il y a des matchs toute la journée, combinés aussi avec une formation sur l’arbitrage grâce à deux arbitres belges que Pierre Copin (entraîneur 1ère équipe Servette HC) a fait venir pour donner des précieuses informations à nos jeunes apprentis arbitres.

N. Gisin : L’arbitrage est un souci en Suisse actuellement et nous devons aider à le développer au sein du hockey genevois. Nous avons déjà organisé des cours d’arbitrage qui n’étaient pas reconnus au niveau suisse. Heureusement, ce sera le cas de la formation d’aujourd’hui grâce notamment à la présence de Peter au niveau du comité suisse. Le fait que Peter arrête à la Ligue Suisse est tout à fait compréhensible mais également regrettable pour la représentativité de Genève à ce niveau.

Magnifique journée d’oppositions amicales à l’image de ce duel

 

Et au niveau de la buvette ?

N. Gisin : Elle est la propriété de la Ville de Genève, ce qui est bien pour la personne qui s’en occupe mais qui est dommage pour nos clubs.

P. Kraxner : Elle a été gérée par notre présidente pendant plusieurs années mais à titre privé. Un club house est vraiment important pour l’esprit du club. Et cela manque beaucoup.

N. Gisin : La buvette marche car les tenanciers sont dynamiques mais on pourrait envisager de mettre une petite installation quelque part sur le site pour faire marcher les caisses des deux clubs, à condition que cela soit accepté par les autorités.

 

Une fusion entre les deux clubs a-t-elle déjà été envisagée ?

N. Gisin : C’était déjà un sujet lorsque j’étais en juniors. Mais cela correspondrait probablement à un appauvrissement du hockey local. A court terme, cela pourrait être bénéfique mais sur le long terme la fusion des deux entités reviendrait probablement à la taille du plus grand des deux, et donc à une baisse du nombre de pratiquants.

P. Kraxner : La fusion nous ferait perdre tout de suite une équipe dans chaque catégorie LNA féminine et masculine.

N. Gisin : Cette rivalité, tant qu’elle est saine, est très positive. On voudra tous avoir plus de juniors et donc essayer de faire mieux que le voisin. Cela dynamise le hockey local. Un autre club serait bénéfique sur l’autre rive avec des installations adaptées.

N. Gisin et P. Kraxner : Et le Derby Day ne pourrait plus avoir lieu ! (rires)

 

Merci Messieurs, pour votre temps, votre passion et vos compétences au service du hockey sur gazon genevois.

Photos : Mireille Gisin-Maye et Proxifoot

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